De quel pouvoir de négociation doit disposer un agent commercial ?

De nombreuses entreprises qui exportent ont recours à des agents commerciaux pour promouvoir et distribuer leurs produits au-delà des frontières. Une directive européenne relative au contrat d'agence a été adoptée en 1986 afin que les contrats d'agence commerciale soient reconnus et réglementés dans tous les pays membres de l'Union européenne. Si des normes harmonisées existent à l'échelon européen, les pratiques et les usages peuvent en revanche varier d'un pays à l'autre. La Cour de justice de l'Union européenne est donc régulièrement interrogée sur la portée de la directive relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants. La dernière question en date qui a été tranchée par la Cour concerne, notamment, l’étendue des pouvoirs dont doit nécessairement disposer un agent commercial.

 

Un contrat d'agence commerciale est un contrat par lequel une partie (l'agent commercial) est chargée de façon permanente, et moyennant rémunération, par l'autre partie (le commettant) sans être soumis à l'autorité de ce dernier, de la négociation et éventuellement de la conclusion d'affaires au nom et pour compte du commettant.

Comment une affaire est-elle négociée par l’agent ?

Certaines entreprises se sont interrogées sur la définition à donner à ce terme de « négociation ». L’intermédiaire de vente qui ne dispose pas du pouvoir de modifier les conditions de vente par exemple, ni de fixer les prix des marchandises dont il assure la distribution, est-il bien en charge de la « négociation » des affaires pour le compte de l’entreprise ? A ce titre, peut-il bien invoquer le régime protecteur mis en place par la directive européenne ?

Dans un arrêt rendu le 4 juin 2020, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé que le concept de négociation devait être compris de la même manière dans tous les Etats membres, indépendamment des subtilités linguistiques ou des différences de traduction.

En pratique, que fait véritablement un agent commercial ?

Selon la Cour, les tâches principales d’un agent commercial consistent à apporter de nouveaux clients et à développer les opérations avec la clientèle existante.

Or, ce type d’activité peut parfaitement être réalisé sans que l’agent ait la faculté de modifier les prix des marchandises.

De même, la fixation rigide des prix peut être justifiée par des raisons de politique commerciale, tenant par exemple à la position de l’entreprise sur le marché, les prix pratiqués par les concurrents, ou encore la pérennité à bref délai de l’entreprise.

En réservant la protection de la directive et des lois nationales relatives au statut d’agent commercial aux seuls intermédiaires qui seraient habilités à modifier les conditions de vente ou le prix de vente des marchandises, la portée de la protection réservée à l’agent commercial serait indûment limité.

Par ailleurs, les entreprises bénéficieraient d’un moyen aisé d’éviter le régime de protection minimum mis en place au niveau européen pour les agents commerciaux : il leur suffirait de prévoir par contrat que les agents ne seraient pas autorisés à négocier le prix des marchandises. Une telle solution porterait incontestablement atteinte à l’objectif poursuivi par la directive.

Dans son arrêt du 4 juin 2020, la Cour de justice de l’Union européenne a donc décidé qu’une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte d’une autre entreprise pour être qualifiée d’agent commercial.

La directive européenne 86/653 a pour objet de protéger les agents commerciaux indépendants. Cette protection ne peut pas être retirée à un agent commercial en fonction de la marge de négociation commerciale qui lui est confiée.

Gautier Matray – Matray, Matray & Hallet, société d'avocats, Liège, Bruxelles, Anvers, Cologne, et Paris. (Juin 2020)

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