Comme la situation en Turquie le montre, des fluctuations très importantes du cours d’une devise étrangère peuvent encore se produire en très peu de temps.  Les conséquences peuvent être défavorables pour les exportateurs.  A l’inverse, pour l’acheteur étranger qui doit payer l’exportateur en euros, le prix peut subitement devenir considérablement supérieur à ce que qui avait été envisagé initialement et mettre à mal la bonne exécution du contrat.  Quelles sont les solutions prévues par le droit du commerce international face à de tels cas de figure ?

Il convient de distinguer deux hypothèses : les conséquences de la dépréciation monétaire en cas d’inexécution fautive du contrat d’une part, et la dépréciation monétaire comme cause de déséquilibre du contrat.

Retard de paiement et dépréciation monétaire

Si par exemple l’acheteur étranger paie le prix des marchandises avec retard.  Entre le moment où le prix aurait dû être payé et le jour du paiement effectif, le cours de la devise nationale chute.  Le vendeur soutiendra à juste titre que s’il avait reçu le paiement du prix dans les délais, il aurait évité les effets de la dévaluation monétaire. 

La jurisprudence a déjà reconnu qu’un tel préjudice était directement lié à l’inexécution des obligations de l’acheteur et qu’il méritait une indemnisation.

La modification significative de l’équilibre du contrat après sa signature est plus problématique. 

Force majeure et dépréciation monétaire

La plupart des droits nationaux, de même que la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises, permettent d’écarter la responsabilité d’une partie en cas de force majeure, c’est-à-dire un événement imprévu, hors du contrôle des parties, qui empêche l’exécution du contrat.  On pense par exemple à une catastrophe naturelle ou un embargo décrété par un gouvernement. 

 

La difficulté avec la dévaluation monétaire, c’est que même lorsqu’elle est importante, elle ne rend pas complètement impossible l’exécution du contrat : le contrat est, pour une partie, certes beaucoup plus onéreux que ce qui avait prévu initialement, voire ruineux, mais il n’existe aucun obstacle physique à la livraison des marchandises ou au paiement du prix.

Dans un arrêt rendu en 2009, la Cour de cassation de Belgique avait considéré qu’une variation très importante du prix d’une matière première (en l’espèce l’acier) pouvait entraîner dans le chef des parties l’obligation de renégocier le contrat.  Le raisonnement peut être transposé aux situations de dévaluation monétaire.

Mais l’on aurait tort de croire cette solution est systématiquement applicable.

D’autres juridictions, en Belgique et à l’étranger, ont en effet aussi déjà considéré que les variations du cours d’une devise ne constituaient pas un élément totalement imprévisible.  L’idée derrière cette conclusion est que les entreprises spécialisées dans les exportations, rompues aux échanges internationaux, pourraient prévoir des mécanismes contractuels de garantie ou de révision.  On n’en attendrait pas moins de professionnels.  Et à défaut de solution spécifique intégrée dans le contrat, il reviendrait à la partie qui aurait accepté le risque de dévaluation monétaire (en ne prévoyant pas de clause particulière) d’en assumer toutes les conséquences...

Compte tenu de l’absence de consensus international sur la qualification juridique d’une dépréciation monétaire et de ses effets sur l’exécution d’un contrat, il est recommandé de prévoir, dans les contrats conclus dans une devise étrangère, une clause réglant le sort des fluctuations monétaires.

Gautier MATRAY, Avocat - Matray, Matray & Hallet, Liège, Bruxelles, Anvers, Cologne, et Paris.

Retour en haut back to top