Mexique : la libéralisation des prix des carburants, un revirement de politique favorable à la production pétrolière !
L'administration d'AMLO est en train de changer sa position en faveur de la libéralisation des prix du carburant. Les rapports suggèrent que le président élu du Mexique, Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO), est de plus en plus réceptif au processus de libéralisation en cours. Son chef de cabinet, Alfonso Romo, a indiqué que l'appui de l'administration entrante en faveur d'une tarification des carburants basée sur le marché représentait un changement de stratégie important. Auparavant, AMLO avait proposé de geler les prix de détail pendant trois ans, après quoi ils seraient indexés sur l'inflation, une politique qu'il serait difficile de mettre en œuvre compte tenu de ses coûts implicites.
Cela étant dit, un gel des prix du carburant saperait les opérations financières du gouvernement - et de la compagnie pétrolière nationale Pemex à son tour, étant donné que l'administration serait forcée de couvrir le coût des prix intérieurs moins chers. Ce changement s'avérerait bénéfique pour Pemex, permettant à l'entreprise de redéfinir ses priorités stratégiques via un modèle économique plus rentable.
L'augmentation des bénéfices en aval soutiendra les plans de modernisation et d'expansion d'AMLO. AMLO s'est engagé à réaffirmer la position de Pemex en aval en améliorant l'exploitation de ses six raffineries existantes pour un coût prévu de 2,63 milliards de dollars US. Ce plan vise à ralentir et, en fin de compte, à inverser la dépendance croissante du Mexique à l'égard des carburants importés des États-Unis. Jusqu'en juillet 2018, les importations de carburant ont été en moyenne de 960 000 b/j, comparativement à 876 000 b/j à la même période en 2017. La majeure partie de ces importations - 62,0 % - se composait d'essence, le principal produit raffiné consommé au pays.
La réhabilitation des installations existantes est un effort indispensable qui devrait se concrétiser. La capacité de raffinage de 1,6 million de barils par jour du Mexique a été inférieure à 50 % pendant la majeure partie des deux dernières années en raison d'un manque chronique d'investissements dans ce secteur. Avec l'augmentation prévue des taux de consommation, la capacité de ces installations à fonctionner à leur plein potentiel sera de plus en plus importante.
AMLO espère également construire une capacité supplémentaire de 400 000 à 600 000 b/j en aval de nouveaux projets de raffinage. Le gouvernement espère construire la première installation proposée au cours des trois prochaines années pour un coût estimé à 8 milliards d'USD. La poursuite de la libéralisation des prix des carburants soutiendra ces efforts, en particulier au vu des prix de référence internationaux qui devraient s'apprécier.
Les raffineries à grande échelle comme celles proposées par AMLO sont extrêmement capitalistiques et nécessitent d'importants investissements initiaux pour leur construction. En outre, les sites proposés manquent d'infrastructures de soutien en milieu de chaîne et liées au stockage, ce qui fera grimper les coûts du projet bien au-delà des 10 milliards d'USD.
Par ailleurs, tout projet additionnel en aval doit s'accompagner d'une construction d'oléoducs de pétrole brut et de produits pétroliers afin de desservir efficacement le marché. Ce processus prendra du temps et comporte des risques importants liés à une forte opposition populaire et à l'augmentation du siphonages illicites de carburant.
Le soutien accru d'AMLO à l'investissement dans l'exploration et la production (E&P) du secteur privé conforte des perspectives optimistes pour la production. Avec AMLO à la barre, on s’attend à ce que le gouvernement cherche à rétablir la position dominante de Pemex au sein de l'espace « Exploration et Production ». Précédemment, son programme de politique économique plus nationaliste favorisait un plus grand contrôle national du pétrole et du gaz et une éventuelle suspension des futurs cycles d'octroi de licences pour les hydrocarbures. Aujourd'hui, toutefois, le nouveau gouvernement adopte une approche plus favorable aux investisseurs, à la suite de l'évaluation réussie des contrats déjà attribués.
BMI voit la possibilité pour l'administration AMLO d'aligner largement sa stratégie sur celle du gouvernement Pena-Nieto. Cela signifie que les appels d'offres prévus pour les superficies terrestres, en eau peu profonde et en eau profonde se poursuivront au cours des prochaines années.
A plus long terme, un soutien accru de la part de l'administration d'AMLO pourrait se traduire par un taux de croissance de la production plus robuste. En fonction du rythme et de l'ampleur des futurs cycles d'octroi de licences d'E&P, on pourrait voir les efforts de développement en amont progresser davantage dans un contexte de prix du brut plus élevés et d'économie de projet de plus en plus efficiente.
Le renversement de la politique de gel des prix du carburant profitera à la situation financière du Mexique. Nous soutenons depuis longtemps qu'un gel des prix du carburant ne serait probablement pas entièrement mis en œuvre par l'administration AMLO. Le coût énorme aurait considérablement limité les fonds disponibles pour les propositions ambitieuses du Président élu en matière d'investissements dans les infrastructures et de programmes sociaux.
La décision de l'administration d'AMLO prévoit une approche plus pragmatique de l'élaboration de la politique fiscale. La décision donne le signal d’un effort plus crédible pour adhérer à une gouvernance financièrement responsable. Les investisseurs ont eu du mal avec les promesses d'AMLO, qui promettait des milliards de dollars de dépenses, tout en promettant de ne pas augmenter les emprunts ni les impôts. L'annonce par Romo que le gouvernement ne gèlera pas les prix est un signal positif.
Source : Latin America Monitor Mexico November 2018, Vol 35 Issue 11 . © 2018 Business Monitor International Ltd