Votre réseau de distribution a vieilli : taux historique de commissions inadapté, difficulté pour l’agent de suivre l’évolution complexe de nouvelles références, intégration des outils numériques  et dès lors naît le projet de le remplacer par un système de distribution plus adapté.

 

L'intérêt économique de l'entreprise et la nécessité de restructurer le réseau

Les relations contractuelles avec vos agents locaux chargés de façon indépendante de la distribution de vos produits et services ont été figées dans le temps, le plus souvent sous la forme d’un contrat d’agence écrit ou par la récurrence de relations commerciales stables et permanentes.

Taux de commissions, caractéristiques techniques des produits, exclusivité et non-concurrence, stratégies de marketing ont été définies dans une optique de pérennité alors même qu’aujourd’hui ces mêmes critères réduisent votre visibilité, vos calculs de marges bénéficiaires et le volume des ventes.

L’heure du changement est venue : trouver de nouveaux partenaires ou mobiliser des structures internes. Vous allez alors constater que les justes motifs économiques à l’appui du changement de stratégie ne vont pas suffire à alléger le coût de la séparation et du renouvellement.

L’extrême prudence sera donc de mise.

Modifier les conditions contractuelles afin de les adapter aux nouvelles exigences du marché ?

Les compétences techniques de vos agents ne sont pas en cause et seuls apparaissent dépassés les éléments du contrat tels que les taux de commission… Va-t-on dès lors pouvoir procéder à des modifications pour l’avenir ? La plupart des systèmes juridiques sont méfiants à l’égard des modifications unilatérales des conditions essentielles du contrat en considérant que l’auteur de celles-ci est fautif et responsable des conséquences de la rupture du lien contractuel qui lui est dès lors imputable.

Si cette stratégie de modification est mise en œuvre, elle devra impérativement s’opérer dans la concertation afin que toute modification substantielle soit décidée de commun accord et actée formellement dans un avenant écrit, et ce, même si les relations contractuelles n’ont pas été à l’origine encadrées par un document écrit. Il ne faut jamais perdre de vue en effet que la preuve des engagements contractuels, à défaut d’écrit, résultent des seuls faits  avérés : paiement régulier de commissions à un taux déterminé par exemple.  

 

 

Et s’il faut se résoudre à la rupture ?

Toute de rupture de contrat d’agence constitue un coût qu’il convient de connaître et de pouvoir calculer. 

Mais avant toute chose, il faut avoir à l’esprit que tout contrat à durée indéterminée ne peut être résilié unilatéralement que moyennant l’octroi d’un préavis convenable.

Au sein des pays membres de l’Union européenne, vous rencontrerez à cet égard des règles légales impératives (c.-à-d. plus fortes que celles prévues dans le contrat) qui prévoient des durées de préavis minimum allant jusqu’à 6 mois en fonction de l’ancienneté du contrat.

En effet, tous les pays membres ont transposé dans leur droit interne les prescriptions de la Directive Européenne 86/653 relative au contrat d’agence.

A défaut de permettre à l’agent de prester le préavis, vous lui serez redevable d’une indemnité compensatoire.

En dehors de l’Union européenne, vous rencontrerez très régulièrement des règles similaires et parfois aussi, dans certains états, des obstacles importants à la possibilité même de résilier le contrat liés à la protection renforcée accordée à leurs agents nationaux.

Si la durée ou le coût du préavis demeure relativement raisonnable, il n’en va pas de même de l’obligation souvent faite à l’entreprise auteure de la rupture de réparer le préjudice économique et financier que l’agent va subir en raison de celle-ci : toujours dans le cadre de la Directive 86/653, cette obligation (sous la forme d’indemnité de clientèle ou de réparation du préjudice) peut atteindre l’équivalent de 2 années de commissions.

Ce régime, adopté aussi par d’autres législations impératives hors U.E., considère que l’agent a apporté une clientèle source de commissions récurrentes qui va continuer à enrichir l’entreprise après son départ et qu’il est donc normal de l’indemniser de la perte de cet apport .

L’appréciation et le calcul de ce dédommagement sont sources de difficultés et engendrent de nombreux et coûteux litiges.

 

... et éviter les litiges?

En cette matière, souvenez-vous avant toute chose que tout litige relatif à la fin d’un contrat d’agence sera de la compétence du Juge national du siège de l’agent (souvent lieu d’exercice de son activité) et régi par le droit national de l’agent.

Ces deux règles d’attribution ont pour conséquence de rendre plus difficiles et coûteuses les procédures qu’il faudra suivre à l’étranger.

Certes des alternatives ont pu être mises en place dans le contrat, telles que l’arbitrage ou la médiation.

Toutefois, mieux vaut privilégier la voie de la négociation dès le départ : faire état auprès de votre agent du constat d’un nécessaire changement, envisager avec lui toutes les possibilités d’adaptation concertée du contrat  et ensuite, à défaut de pouvoir éviter la rupture, tenter de modaliser équitablement le coût de la sortie .

La rapidité de mise en œuvre d’une solution négociée constituera toujours un argument de poids par rapport à la lenteur, au coût et à l’incertitude d’une issue judiciaire, et ce, au bénéfice des deux parties.

 

Conclusion

Actualiser son réseau de distribution en l’adaptant aux nouvelles conditions du marché nécessite le plus souvent la terminaison à l’initiative de l’exportateur des contrats d’agence existants.

Ces décisions et leur mise en œuvre constituent de réels risques financiers.

Il convient de les connaître et de les calculer afin d’anticiper sur les meilleurs modes de solution en privilégiant la voie de la concertation et de la négociation raisonnée.

Thierry LAGNEAUX - Avocat honoraire - Médiateur commercial - Mai 2019   

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