La pandémie et la guerre en Ukraine emportent une hausse des prix considérable : les prix du blé, du maïs, du tournesol, de l’huile ou encore du charbon, du gaz et de l’électricité, pour ne citer qu’eux, montent en flèche. Dans ce contexte, la question de la modification unilatérale des prix par un cocontractant se pose inévitablement. Elle contient deux dimensions : celle de la relation entre l’entreprise qui exporte et son fournisseur de matières premières, et celle de la relation entre l’entreprise qui exporte et ses clients établis à l’étranger. Quelques pistes de réflexion sont proposées dans cet article.

La clause d’imprévision

Le contrat qui lie la société qui exporte à son fournisseur ou à ses clients peut tout d’abord contenir une clause d’imprévision. Également appelée clause de hardship, cette clause permet à une partie ou aux deux parties de modifier les prix convenus dans le contrat en raison de la survenance d’un certain événement ou, de manière plus générale, en cas de changement de circonstances.

Lorsqu’aucune clause spécifique n’est prévue, les parties peuvent se référer aux mécanismes prévus par la loi applicable au contrat. Les entreprises exportatrices connaissent la possibilité de déterminer, à l’avance, dans une clause spécifique, la loi qui sera applicable au contrat. Or, beaucoup d’États, tels que l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse ou encore l’Italie, connaissent ce qui est appelé « la théorie de l’imprévision ». Selon cette théorie, il est possible de résilier ou de modifier un contrat lorsqu’un événement, qui n’était pas prévisible au moment de la conclusion du contrat, qui n’est ni un cas de force majeure, ni imputable à la faute d’une partie, bouleverse à ce point l’économie contractuelle que l’exécution du contrat est rendue excessivement lourde pour une partie.

Même si le nouveau Code civil en préparation devrait changer les choses, le droit belge ne reçoit actuellement pas la théorie de l’imprévision.  

Les solutions alternatives

En l’absence de clause particulière dans le contrat, d’autres concepts juridiques peuvent parfois être invoqués en cas de bouleversement de l’équilibre contractuel. L’augmentation des prix peut être à ce point importante qu’aucune entreprise n’accepterait raisonnablement de s’engager à ces conditions. Dans un tel cas, l’exécution du contrat peut-elle être réputée impossible et constituer, à ce titre, un cas de force majeure ?

Par ailleurs, la partie consciente de la modification dramatique des conditions financières qui refuserait toute renégociation et entendrait forcer son cocontractant à exécuter purement et simplement le contrat selon les termes convenus n’abuse-t-elle pas de son droit ?

Pour autant qu’elle soit applicable, la Convention de Vienne sur la vente internationale des marchandises donne également des outils à la partie frappée par une augmentation significative des coûts.

Dans un contexte économique changeant, il ne faut pas négliger l’importance de la bonne rédaction des contrats. Même si la théorie de l’imprévision n’est pas reçue de manière générale en droit belge, il existe des arguments tant pour défendre la thèse d’une obligation de renégociation du contrat que pour soutenir que le contrat doit être exécuté tel qu’il a été initialement convenu. Une analyse au cas par cas est en tout état de cause rendue nécessaire par la complexité de la matière.

Gautier Matray et Célia Zimbile, Avocats – Matray, Matray & Hallet, Liège, Bruxelles, Anvers, Cologne, et Paris (mai 2022)

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