Une loi du 4 avril 2019 modifiant le Code de droit économique en ce qui concerne les abus de dépendance économique, les clauses abusives et les pratiques du marché déloyales entre entreprises a été publiée au Moniteur belge ce 24 mai 2019.  La nouvelle loi tend à protéger les entreprises contre les clauses contractuelles abusives auxquelles elles ne peuvent pas s’opposer efficacement, par exemple compte tenu de leur situation de dépendance économique.

L’interdiction des clauses abusives dans le commerce international

L’interdiction des clauses abusives est connue depuis de longues années dans les contrats conclus entre un consommateur et un professionnel.  Le législateur a bien dû constater que, même dans les relations entre les entreprises, les rapports économiques ne sont pas toujours équilibrés.  Dès lors, la liberté contractuelle ne peut pas systématiquement jouer pleinement.  Des entreprises se voient ainsi parfois imposer des clauses qu’elles n’auraient jamais acceptées si elles avaient pu négocier librement.

La nouvelle loi s’applique aux entreprises belges qui exportent, y compris lorsque le contrat est soumis à un droit étranger.  Les travaux parlementaires indiquent en effet que les nouvelles règles visent à réguler l’ordre économique et qu’à ce titre, elles rentrent dans la catégorie des lois de police (auxquelles il n’est pas possible de déroger contractuellement).  Il ne suffira donc pas de conclure un contrat soumis au droit allemand ou au droit néerlandais pour échapper à l’interdiction des clauses abusives.

Quand une clause est-elle considérée comme abusive ?

Les clauses abusives sont par définition celles qui créent un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties.  C’est notamment le cas des clauses (i) prévoyant un engagement irrévocable d’une partie, alors que l'exécution des prestations par l’autre partie est soumise à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté, (ii) donnant à une seule partie le pouvoir d’interpréter les autres dispositions du contrat, ou (iii) entraînant une renonciation d’une partie à toute voie de recours contre l’autre partie.  Est également réputée abusive la clause confirmant la connaissance ou l'adhésion d’une partie à des clauses dont celle-ci n'a pas eu, effectivement, l'occasion de prendre connaissance avant la conclusion du contrat.

En fonction des circonstances, d’autres clauses peuvent également rentrer dans la catégorie des clauses abusives.  Il en va par exemple ainsi des clauses exonératoires de responsabilité totales (libérant une entreprise de sa responsabilité en cas de dol, de faute grave, et d’inexécution d’un engagement essentiel du contrat), des clauses limitant les moyens de preuve pouvant être utilisés par une partie en cas de contestation, ou encore des clauses fixant les dommages et intérêts dus en cas d’inexécution du contrat à un montant forfaitaire démesuré.

La voie d’action choisie par le législateur est de déclarer les clauses abusives nulles.  Le contrat reste obligatoire et contraignant dans ses autres dispositions, pour autant que le contrat puisse subsister sans les clauses abusives.

L’interdiction des clauses abusives ne s’applique pas en matière de services financiers ni en matière de marchés publics.

Les nouvelles interdictions s’appliqueront uniquement aux contrats conclus, renouvelés, ou modifiés après le 31 décembre 2020.  Elles ne s’appliqueront pas aux contrats en cours qui auront été conclus avant cette date.  Les entreprises disposent donc d’un long délai pour assimiler les changements qui seront provoqués par la nouvelle législation et pour le cas échéant modifier leurs conditions générales ou contrats types.

Gautier MATRAY, MATRAY MATRAY & HALLET, société civile d’avocats, Liège, Bruxelles, Anvers, Cologne et Paris -  Juin 2019

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