Il arrive que des mesures prises par des pouvoirs publics aient un impact direct sur l’exécution de contrats conclus entre des entreprises privées. Un principe de droit bien connu veut qu’un contrat soit la loi des parties. Mais dans certaines circonstances, les pouvoirs publics s’immiscent dans cette loi contractuelle et empêchent l’exécution par les parties de leurs prestations. Embargos, retraits de licence d’exportation, sanctions à l’égard de pays, comment les entreprises peuvent-elles naviguer dans ces eaux incertaines ?

 

Le « fait du prince » est une décision prise par une autorité publique susceptible d’empêcher l’exécution d’un contrat. Il s’agit d’un cas d’application de la force majeure, d’une cause d’excuse qui libère ou suspend l’exécution des obligations contractuelles d’une partie.

Les crises et les mesures adoptées dans leur suite sont par définition imprévisibles

Les entreprises exportatrices avaient, par exemple, pu se trouver confrontées à de telles mesures lors de l’éclatement de la guerre en Libye. Une résolution 1971 du 26 février 2011 du Conseil de Sécurité des Nations Unies avait imposé un embargo sur l’armement et le matériel connexe de tous types. Les entreprises s’étaient ainsi vu interdire de poursuivre l’exécution des contrats qui rentraient dans le champ d’application de l’embargo. Mais plusieurs Etats avaient ensuite adopté des mesures nationales afin de protéger leurs entreprises contre les conséquences négatives de l’inexécution des conventions conclues avec des partenaires libyens. Récemment, les différentes mesures réglementaires adoptées au cours de l’année écoulée par les gouvernements, en Belgique et à l’étranger, pour tenter d’enrayer la propagation de la Covid-19, ont, dans certains cas, rendu le respect des obligations contractuelles de certaines entreprises impossible.

Le 29 janvier 2021, la Commission européenne a adopté un mécanisme temporaire de transparence des exportations et d'autorisation des exportations sur la base du règlement 2015/479 relatif au régime commun applicable aux exportations. Ce règlement d’exécution, valable pour six semaines, oblige certaines entreprises à disposer d’une autorisation pour exporter des produits déterminés (notamment les vaccins contre les coronavirus du SARS, les substances actives, y compris les banques de cellules primaires et de cellules de travail utilisées pour la fabrication de ces vaccins) et permet aux Etats membres de l’Union européenne, après un avis de la Commission européenne, d’interdire l’exportation de ces produits.

C’est en application de ce mécanisme que l’Italie a, par exemple, bloqué le 26 février 2021 l’exportation vers l’Australie, de doses du vaccin AstraZeneca produites sur le sol européen.

Comment les entreprises peuvent-elles réagir ?

De telles interdictions s’imposent aux entreprises sans qu’il ait évidemment été vérifié la portée exacte des engagements contractuels qu’elles ont pu prendre. L’intérêt général doit en somme l’emporter sur la loi privée des parties contractantes.

Les concepts de force majeure pourront parfois protéger une entreprise contre l’application de sanctions contractuelles. Mais l’exception de force majeure n’est pas absolue et des dispositions d’un contrat peuvent en réduire drastiquement les effets utiles.

S’il est impossible de prévoir la portée et le champ d’application de mesures qui seraient adoptées dans le futur par le pouvoir législatif ou exécutif d’un pays, il est en revanche possible d’aménager, par contrat, les modalités et les conséquences d’un événement imprévu. En ces temps incertains, il est encore plus important de réserver une attention toute particulière à ces clauses.

Gautier MATRAY et Laetitia RAUX, Avocats - Matray, Matray & Hallet, Liège, Bruxelles, Anvers, Cologne, et Paris (mars 2021)

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