Tous les contrats conclus, modifiés, ou renouvelés par une entreprise belge depuis le 1er décembre 2020 sont soumis à une loi du 4 avril 2019 interdisant les clauses abusives.  Cette loi tend à protéger les entreprises contre les clauses contractuelles excessives auxquelles elles ne peuvent pas s’opposer efficacement, par exemple compte tenu de leur situation de dépendance économique.  Les contrats qui étaient vigueur le 1er décembre 2020 mais qui n’ont pas été renouvelés ou modifiés depuis ne sont pas affectés.

L’interdiction des clauses abusives dans le commerce international

L’interdiction des clauses abusives est bien connue dans les relations B2C (« business to consumer »).  Le législateur belge a toutefois fait le constat que, même dans les relations entre les entreprises, les rapports économiques ne sont pas toujours équilibrés.  Dès lors, la liberté contractuelle ne peut pas toujours jouer pleinement et les entreprises peuvent se voir imposer des clauses exorbitantes, qu’elles n’auraient pas acceptées si elles avaient été dans une meilleure position.  C’est pour lutter contre ce phénomène qu’une loi particulière a été adoptée.

La nouvelle loi s’applique aux entreprises belges qui exportent, y compris lorsque le contrat est soumis à un droit étranger.  Les travaux parlementaires de la loi indiquent en effet que la loi a pour objet de réguler l’ordre économique et qu’à ce titre, elle rentre dans la catégorie des lois de police, auxquelles il n’est pas possible de déroger contractuellement.  Il ne suffira donc pas nécessairement de conclure un contrat soumis au droit allemand ou au droit néerlandais pour échapper à l’interdiction des clauses abusives.

Qu’est-ce qu’une clause abusive ?

De manière générale, une clause est réputée abusive lorsque, à elle seule ou en combinaison avec d’autres clauses d’un contrat, elle crée un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties.  La loi contient un catalogue de clauses qui sont systématiquement abusives (par exemple, la clause qui confère à une seule partie le droit d'interpréter une disposition du contrat et d’en préciser la portée), et d’autres qui sont simplement présumées abusives, sauf preuve contraire (par exemple, une clause plaçant, sans la moindre contrepartie, le risque économique sur une partie alors que ce risque incombe normalement à l'autre partie).  Lorsque le caractère abusif d’une clause n’est que présumé, il reste possible de justifier la teneur du contrat conclu, par exemple lorsqu’il est avéré que les signataires se sont engagés en toute connaissance de cause.

Les clauses réputées abusives ne peuvent pas être appliquées.  Elles sont considérées comme non nulles.  Cette nullité n’a en principe pas de conséquence sur la validité du contrat dans son ensemble et le contrat continue d’exister sauf si l’importance des clauses est telle que le contrat ne peut subsister sans ces clauses.

Et si une partie profite d’un déséquilibre économique d’une autre manière ?

A côté de la protection de l’interdiction des clauses abusives, les parties peuvent également s’appuyer sur un autre versant de la loi du 4 avril 2019 qui vise à empêcher les abus de dépendance économique. 

Dans une décision du 28 octobre 2020, le président du tribunal de l’entreprise de Gand a fait une toute première application de cette loi et obligé une entreprise spécialisée dans la fabrication de vêtements pour enfants à continuer à approvisionner un de ses distributeurs.  Le fabricant avait fait état des difficultés de paiement de son distributeur pour refuser d’honorer les nouvelles commandes passées par celui-ci.  Le président du tribunal de l’entreprise de Gand a considéré que le distributeur se trouvait en position de dépendance économique par rapport au fabricant et que l’arrêt de la livraison des commandes signifierait certainement la fin de l’activité du distributeur.  Par conséquent, le juge a condamné le fabricant, sous astreinte, à reprendre les livraisons des commandes.

La législation brièvement commentée plus haut n’a pas été adoptée en prévision de la crise qui touche les personnes et les entreprises depuis plusieurs mois.  Mais elle pourrait néanmoins se révéler être un outil efficace dans la conjoncture actuelle, vu la pression à laquelle de nombreuses entreprises ont été soumises.

Gautier MATRAY, MATRAY MATRAY & HALLET - Société civile d’avocats, Liège, Bruxelles, Anvers, Cologne et Paris - Janvier 2021

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