Chaque année, la Belgique organise au moins une mission économique en République Démocratique du Congo. Si ce marché gigantesque et lointain peut parfois effrayer les entreprises wallonnes, les opportunités sont pourtant bien là pour qui sait préparer efficacement son projet. C’est entre deux rendez-vous et signatures que nous avons pu rencontrer à Kinshasa le CEO de Contipharma, Bernard Delhez, actif de longue date dans le pays et récemment signataire d’un accord de distribution de ses produits dans tout le pays. Rencontre.

Chaque année, Wallonia Export organise, ou participe avec les autres régions belges, à au moins une mission économique en République Démocratique du Congo (RDC). Un rendez-vous incontournable pour les entreprises actives en Afrique subsaharienne ou en recherche de nouveaux débouchés pour leurs produits et services. Car si le pays est géographiquement loin et considéré comme un marché ‘complexe’ par les PME et les compagnies d’assurances, il demeure toutefois un marché rempli d’opportunités d’affaires et dont l’effort initial permet d’être récompensé à la fois en volume de ventes et en reconnaissance internationale. Cette année 17 sociétés wallonnes ont fait le déplacement à Kinshasa et Lubumbashi pour rencontrer leurs partenaires, formaliser un accord ou prospecter de nouvelles opportunités d’affaires.

Nous en avons profité pour échanger avec Bernard Delhez, CEO de Contipharma, société active dans la distribution de médicaments génériques et qui vient d’officialiser avec le Ministère de la santé congolais et l’ambassadeur de Belgique en RDC la mise en place à Kinshasa d’un atelier de conditionnement de médicaments génériques (normes CE). Une occasion parfaite pour partager son expérience en RDC et plus généralement avec les marchés qualifiés de ‘complexes’.

Wallonia Export : Bonjour Bernard, pourriez-vous nous présenter qui êtes-vous et qui est Contipharma ?

Bernard Delhez : Si je suis ici, c’est parce que l’on peut dire que j’ai l’entreprenariat dans le sang. J’ai à mon actif plusieurs sociétés de créées, de vendues, d’achetées… d’abord dans l’aéronautique industriel puis dans le pharma.

AWEX : C’est original comme changement, c’est dû à quoi ?

BD : Lors de mes nombreux voyages, j’ai eu l’occasion de visiter d’importants producteurs de médicaments génériques, notamment oncologiques, et là j’ai réalisé que je pouvais contribuer à alimenter les pays ayant un besoin accru de médicaments performants mais à bas prix. J’y ai vu l’occasion de lancer des activités de distribution à la fois rentables et qui contribuent à améliorer l’accès à des médicaments pour ceux qui en ont le plus besoin.

Née de constat, Contipharma a vu le jour en 2015. La société développe et commercialise actuellement des solutions médicales apportant des réponses concrètes à des problématiques de santé publique non résolues. Nous exportons par exemple des médicaments génériques ou sous licence, soit en pénurie, soit inaccessibles aux populations en raison de leur prix. Nous proposons aussi des dispositifs médicaux ou du matériel de testing, pour détecter le covid19 par exemple.

AWEX : Vous exportez la majorité de vos produits du coup ?

BD : Evidemment. Nous réalisons 95% de notre CA hors UE ! Nous avons des activités en Roumanie, en Algérie et nous disposons d’une filiale à Kinshasa et allons, c’est désormais officiel, ouvrir un atelier de conditionnement de médicaments génériques produits en Europe ou répondant aux normes CE directement sur place, avec l’appui du Ministère de la santé congolais. Notre motivation est de vendre 1000 produits à 1 €, à l’opposé de la norme du secteur pharma qui est plutôt de vendre 1 produit à 1000 €.

AWEX : Du cou faites aussi de la Recherche & Développement ?

BD : Tout à fait. Durant la pandémie, nous avons travaillé en partenariat avec l’Université de Liège, à la création puis la distribution internationale d’un test PCR salivaire pour le diagnostic de la COVID-19. Fort de cette expérience, nous avons créé en 2021 notre propre département de R&D et nous avons signé l’année dernière une convention de recherche avec l’Institut National de Recherche Biomédicale de Kinshasa (INRB) pour le développement d’auto-tests de diagnostic non invasifs (salivaires) de différentes infections dont les grippes et la malaria. C’est une première mondiale, et belge, en cours de développement !

AWEX : Qu’attendez-vous de votre participation à la mission en RDC ?

BD : J’y participe car beaucoup de personnes issues du monde des affaires et de la santé seront au présent. Durant la mission, nous allons pouvoir officialiser certains projets avec l’appui des autorités et des diplomaties belges et congolaises et donner ainsi de la visibilité à ce que nous faisons en RDC et plus largement en Afrique.

D’une manière plus générale, je dirai qu’autour de ces missions, il ne faut pas s’attendre, économiquement parlant, à des retombées rapides et faciles. Il faut bien se préparer avant d’y participer, qu’importe le pays. Vous devez déjà avoir des contacts solides ou des partenaires sur place, avoir creusé des fondations pour vos projets et avoir des choses concrètes à finaliser une fois sur place. Il y a très peu de temps et d’espace pour faire de la prospection à froid, ou juste ‘sentir’ le marché. Tout va très vite et il faut savoir aller à l’essentiel avec des gens qui ont déjà au minimum une idée de ce que vous proposez. Pour nous, cette mission, c’est surtout une belle caisse de résonnance nationale et internationale autour de ce que nous avons déjà réalisé. Cela nous servira pour aller encore plus loin après.

Bernard Delhez, CEO de Contipharma

"Commencez par établir vous-même des contacts directement en lien avec votre produit ou service. C’est seulement après avoir obtenu une première (re)connaissance de la part d’acteurs locaux que la participation à une foire, un salon ou une mission économique peut valoir la peine."





AWEX : Comparé à la Belgique ou aux pays européens, n’est-ce pas compliqué d’exporter en RDC ?

BD : Selon moi… non ! Exporter est un métier qui demande de la préparation et de l’expérience, mais chaque pays, chaque zone géographique a ses spécificités. Attention à ce que l’on appelle ‘marché complexe’, c’est très relatif. Je peux vous dire que dans certains secteurs, comme le miens, c’est beaucoup plus facile et rapide de travailler avec les pays africains qu’avec l’Europe et ses appels d’offres complexes, sa concurrence rude, ses règles complexes qui font perdre du temps et de l’énergie… le tout sans garanties de résultats ou avec des retombées limitées. Bref, je ne trouve pas que la RDC soit fondamentalement plus complexe à aborder que des pays plus proches de chez nous. Les règles et les contraintes sont juste différentes.

AWEX : Et le potentiel des affaires est là selon vous ?

BD : L’Afrique est immense ! C’est un marché gigantesque situé à seulement 2h30 d’avion pour les pays les plus proches. La population est jeune et dynamique, de mieux en mieux formée. Les infrastructures s’améliorent et les compétences sont disponibles localement. Le potentiel est énorme et quasi vierge pour les PME comme celles qui composent l’économie wallonne. Dans la plupart des secteurs, les grands acteurs ne sont pas encore là. Beaucoup ont besoin de faire du volume et des bénéfices rapides pour s’y retrouver, ce qu’ils ne sont pas sûr d’obtenir directement. Du coup ils observent mais n’agissent pas encore, laissant le champ libre à pas mal d’opportunités que la souplesse d’une PME peut saisir.

AWEX : Avez-vous quelques conseils à partager sur vos aventures exportatrices ?

BD : Pour être bien clair, tous les marchés sont complexes ! La RDC, mais la Belgique aussi. Il n’y a pas d’export facile. Mais ça ne veut pas dire impossible non plus, loin de là. Mes conseils seraient de d’abord commencer à se faire des contacts directs, très ciblés, directement en lien avec votre produit ou service. Pour les marchés lointains, organisez vos 1er contacts vous-même. C’est seulement après avoir obtenu une première (re)connaissance de la part d’acteurs locaux que la participation à une foire, un salon ou une mission économique peut valoir la peine. Sinon vous allez vous noyer dans une masse de contacts peu précis, recevoir des dizaines voire des centaines de cartes de visite que vous n’aurez jamais le temps de traiter et vous aller vous-même vous effacer. Ciblez bien.  Un salon c’est une bonne vitrine, une opportunité de visibilité ou une source d’idées, mais seulement dans un deuxième temps.

AWEX : Un petit mot sur les services de l’AWEX ?

BD : En Belgique, dans le cadre de la réalisation de notre dossier de R&D, nous avons vraiment bien été aidés. En RDC, plusieurs démarches commerciales ont été initiées par les équipes de l’ambassade et de Wallonia Export à Kinshasa et ça, c’est vraiment un plus.

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