Si l’industrie du gaming est devenue l’industrie culturelle la plus importante en terme de chiffre d’affaire, l’accès aux financements demeure un challenge pour de nombreux studios. Comment s’agrandir et proposer des œuvres au grand public quand on est limité en terme de fonds ? Wallimage, présent à la Gamescom, est revenu pour nous sur les possibilités de soutiens en Wallonie à destination des entreprises. Explications.

Bienvenue à la Gamescom, grand-messe européenne du jeux vidéo. Le gaming aujourd’hui, c’est simple, c’est le premier bien culturel en termes de chiffre d’affaires, loin devant les autres secteurs que sont le cinéma et la musique. Le chiffre d'affaires mondial de l’industrie du jeu vidéo est passé de 152,1 milliards de dollars en 2019 à 180,3 milliards en 2021, soit une progression annuelle de près de 20 %, affichant une résilience importante face à la crise liée au Covid-19 (consommation importante pendant les confinements).

En Belgique, le développement industriel du gaming est aussi en croissance. En 2020, cette activité a généré un revenu annuel de 270 millions EUR et le nombre de studios de développement de jeux est passé de 65 en 2014 à 114 en 2020, dont 82 studios situés en Flandre, 13 à Bruxelles et 19 studios Wallonie (dont la grande majorité ont moins de 5 ans et compte moins de 10 employés).

La taille modeste du gaming belge s'explique en partie par un plus faible accès aux financements privés et publics et une structuration du secteur plus récente. Pourtant, le potentiel économique du jeu vidéo dans le pays et en Wallonie est considérable car la Région dispose d'un écosystème de studios de développement de jeux dynamiques, avec plusieurs poids lourds (Fishing Cactus, Appeal, Wild Bishop, Abrakam…) qui tirent le secteur vers le haut et un réservoir important de créatifs dont la qualité est reconnue internationalement.

Quels sont les possibilités de soutiens pour les porteurs de projets actuels ? Comment les entrepreneurs peuvent-ils bénéficier d’aides pour développer et commercialiser des produits à rayonnement international ? Nous en avons parlé sur le Belgian Pavillon de la Gamescom avec Sophie Augurelle et Vincent Wattiez chargés de projets chez Wallimage Entreprises. Etat des lieux et des pistes d’actions.

AWEX : Bonjour Sophie, bonjour Vincent, pourriez-vous d’abord nous rappeler qui est Wallimage ?

Sophie & Vincent : Nous sommes un fond d’investissement public créé il y a 20 ans par le gouvernement de la Wallonie. Son but : doter la région d’un outil capable de créer une dynamique structurante autour des métiers et de l’industrie du cinéma. A travers le soutien d’un projet cinématographique, nous cherchons à créer de l’emploi, des entreprises, bref renforcer une économie autour d’un secteur. Ceci dit, nous ne nous limitons pas seulement au soutien de projets, nous intervenons aussi directement en prêt ou dans le capital des entreprises.

C’est en 2014 que nous avons commencé à soutenir aussi le secteur du gaming, de la même façon que nous avons fait avec le cinéma. Aujourd’hui nous soutenons actuellement une dizaine de sociétés du jeux vidéo.

AWEX : Et comment soutenez-vous l’industrie du gaming ?

Sophie & Vincent : Notre département « Entreprises » soutient celles-ci avec des prêts ou des prises de participation (ex : Fishing Cactus…) . Notre département 'Gaming', inauguré en 2022, finance des projets de jeux vidéo. Nous pouvons intervenir à plusieurs étapes dans le développement d’un jeu. D’abord lors de la phase « pré-production » (max 30 000 € ou 100.000 EUR si création d’un prototype jouable). Une fois cette étape validée, nous intervenons dans la phase de commercialisation, jusqu’à 500 000 EUR. Ce mécanisme d’avance conditionnellement récupérable a été approuvé par la Commission européenne et le financement de projets à été rendu possible par le Gouvernement wallon et notre Ministre de tutelle Willy Borsus qui nous a confié une enveloppe de 2M € pour soutenir cette industrie.

Si le jeu arrive en phase de commercialisation, nous avons accès aux recettes ou du moins au remboursement du prêt. Si le projet capote, le soumissionnaire ne doit pas rembourser (sous certaines conditions définies, NDLR).

AWEX : Et comment, concrètement, une personne ou une entreprise peut-elle obtenir le soutien de Wallimage ?

Sophie & Vincent : La première chose à faire est de d’abord prendre contact avec nous. Ensuite nous organisons une rencontre durant laquelle le projet nous est présenté, son concept, son fonctionnement, la structure de l’équipe, les projets en cours ou déjà réalisés, les besoins financiers…

Nous évaluons la maturité du projet pour savoir si ce dernier est éligible à nos appels à projets ou à un éventuel soutien direct de l’entreprise. Si c’est positif, alors le projet passera devant un jury lors des appels à projet pour décision finale.

AWEX : Existe-t-il d’autres structures d’aides ?

Sophie & Vincent : Dans le gaming à proprement parlé, non. Mais il existe d’autres aides plus générales dédiées aux startups, des soutiens au lancement, des accompagnements… Nous engageons les porteurs de projets à rejoindre les réseaux professionnels belges comme Belgian Games, Walga, Flega ou Games.Brussels pour davantage entrer dans le ‘game’. Ils peuvent aussi solliciter, si le projet est assez mature, les aides de Wallonia Export à l’internationalisation, comme la participation à des foires ou salons comme la Gamescom où nous nous trouvons ici. Nous attendons aussi le ‘tax shelter’ (v. ci-dessous) pour le gaming en 2023, qui devrait aussi soutenir le secteur dans sa croissance et sa dynamique.

N'oubliez toutefois pas qu’un organisme public ne peut pas financer plus de 50% d’un projet. Il y aura donc toujours des financements privés à trouver à côté. Et plus la demande de soutiens publics est importante, plus les montants à trouver à côté le seront également.

Sophie Augurelle, coordinatrice du département Entreprises et Chargée de la ligne Gaming

"Nous soutenons les projets qui ont un effet structurant au niveau gaming pour la Wallonie. En fonction du projet, il faut qu’un studio se crée, ou que des jeunes talents soient engagés, qu’ils s’installent et fassent croître cette industrie."




AWEX : Quels conseils donneriez-vous à ceux qui recherchent des financements pour leurs projets ?

Sophie & Vincent : Préparez bien vos sessions de pitchs, éventuellement faites-vous accompagner par une personne qui connait bien le projet dans sa globalité. Présenter un projet en 3 minutes, ce n’est pas si facile que cela. N’oubliez pas de vous concentrer sur votre modèle économique, la budgétisation, la commercialisation… tout ce qui contribuera à la réussite de votre projet de gaming, pas seulement sur le plan artistique, mais également commercial. Pour se développer dans le gaming, il faut avant tout penser business, pas seulement l’artistique ou le créatif.

N’hésitez pas à venir nous voir pour présenter vos idées avant de soumissionner à un appel. Nous sommes là pour conseiller les porteurs de projets, les aider à se poser les bonnes questions le plus tôt possible.

AWEX :  A quels retours la Région wallonne peut-elle s'attendre ?

Sophie & Vincent : Il faut bien entendu qu’il y ait des dépenses et certains retours attendus pour la Wallonie. Il faut qu’il y ait cet effet structurant niveau gaming pour la Région, c’est-à-dire qu'en fonction du projet, qu’un studio se crée en Wallonie, ou que des jeunes talents soient engagés, qu’ils s’installent et fassent croître cette industrie.

AWEX : Quel est votre rôle ici à la Gamescom sur le pavillon ‘Belgian Games’ ?

Sophie & Vincent : Comme nous faisons de la coproduction, donc nous essayons aussi d’aider à combler les besoins en financements privés des entreprises alors nous sommes ici pour identifier des partenaires potentiels pour nos studios. De manière plus large cela nous permet également de voir ce qui se fait à l’étranger et ce que recherchent les acteurs étrangers. Si la Wallonie a des ressources à proposer, nous sommes là pour les faire connaître et mettre réseau nos publics. Nous contribuons à faire rayonner le gaming wallon en quelque sorte…

Le Tax Shelter pour le gaming en 2 mots

Le tax shelter, c’est un système d’exonération fiscale pour les sociétés belges qui investissent une partie de leurs bénéfices imposables dans l’audiovisuel et/ou les arts de la scène. Ce système d’exonération fiscale devrait s’ouvrir prochainement à l’industrie du gaming.

Pour bénéficier du tax shelter, chaque projet de jeu devra prouver qu’il a une dimension culturelle, que ce soit par son caractère éducatif, en mettant en valeur, par exemple, le savoir-faire ou le patrimoine local. Le Centre du cinéma et de l’audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui agrée déjà les œuvres audiovisuelles et scéniques pouvant bénéficier du tax shelter, réalise un test culturel imposant, par exemple, que 50 % des salaires ou une part importante de la production doive être versés ou réalisée en Belgique. En clair, la production de jeux doit être l’activité principale de l’entreprise et représenter au moins 50% de ses revenus.

La mise en œuvre du tax shelter pour le gaming est prévue pour 2023.

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