À l’occasion de la mission économique belge princière au Japon et à l’initiative de Wallonie Export, WBCampus, et l’association de l’industrie des jeux vidéo Walga, la Wallonie a organisé une game jam destinée à valoriser les échanges entre étudiants japonais et belges, mais surtout poser les jalons d’une collaboration belgo-nippone dans le gaming. Explication et rencontre avec les entreprises wallonnes ayant fait le déplacement dans la patrie de Nintendo.

Cérémonie de clôture de la Game Jam belgo-japonaie organisée au Musée International du Manga de Kyoto

Yokoso ! Bienvenue à Kyoto, ancienne capitale impériale japonaise et actuellement ville d’accueil du Musée International du Manga. C’est ici qu’a été décerné les prix de la Game Jam (équivalent pour la création de jeux vidéo à un Hackathon), organisée pendant la Mission Princière belge conduite par la princesse Astrid de Belgique. Les 121 participants belges, issus des Hautes Écoles en Fédération Wallonie-Bruxelles ont participé à cette jam belgo-japonaise, avec le soutien de Wallonie-Bruxelles International, ont formé 20 équipes mixtes belgo japonaises de 8 à 10 participants puis ont collaboré pendant 48h pour créer une œuvre vidéoludique soumise au vote public pendant le reste de la mission.

L’intérêt de ce concours pour le développement du jeu vidéo en Wallonie, c’est le renforcement des collaborations avec d’autres écoles au Japon, berceau historique de l’industrie du jeu vidéo, susciter des vocations auprès des jeunes belges envisageant de travailler dans ce secteur et enfin, faire davantage connaître les studios belges et wallons auprès studios japonais.

« La Game Jam organisée ici est une excellente façon de pousser un peu mes étudiants à sortir de leur zone de confort, rencontrer des gens surtout qui ne sont pas du même milieu, de la même culture. Les étudiants en informatique et gestion qui ont pour option le jeu vidéo doivent s’ouvrir à la culture, s’ouvrir aux gens et potentiellement avoir une occasion d’aller plus loin. Cette Game Jam leur montre que l’on put s’amuser et surtout que ces moments puissent être ce qu’ils n’oublieront pas et s’il peut en résulter après des rencontres qui mèneront à terme. » nous a expliqué Jean-Gaubert Decoster, fondateur du studio liégeois Funtomata.

Durant la Mission Princière, et pendant que les étudiants belges et japonais développaient ensemble leur programme (à distance via la plateforme Discord, NDLR), des acteurs économiques et académiques wallons sont partis à la rencontre des studios japonais du jeu vidéo, comme le géant Bandai Namco ou encore Skeleton Crew. Une occasion intéressante pour pousser le secteur à s’internationaliser davantage, indispensable à l’heure actuelle. Nous avons pu rencontrer des boîtes comme Funtomata ou Cortex Machina, membres de la délégation gaming belge, pour connaître leurs motivations et attentes à participer à une telle mission économique.

Quel est l’intérêt pour une entreprise belge de nouer des partenariats ici au Japon ? Et à l’inverse, pourquoi les industriels japonais du gaming s’intéresseraient-ils aux studios et productions belges ? On en parle avec Jean-Gaubert Decoster, du studio wallon Funtomata et Romain, Julien & Gordon de Cortex Machina.





Wallonia Export (AWEX) : Bonjour à tous, pourriez-vous d'abord vous présenter ?

Jean-Gaubert Decoster (JGD) : Je suis le fondateur de Funtomata, société que j’ai lancée avoir fait un master en informatique à l’Université de Namur et travaillé dans une start-up développant des services web. En 2020, j’ai décidé de me lancer à fond dans ce que je voulais faire : des jeux pour les enfants. Funtomata compte à présent une équipe de cinq personnes et va proposer dès janvier son nouveau jeu « Asfalia », un jeu de qualité pour enfant et adulte, un peu à la manière de ce qui se faisait beaucoup dans les années 80-90 avec les jeux à puzzles et énigmes (point & click) mais avec une dimension narrative très forte.

Romain, Julien & Gordon (Cortex Machina) : Nous sommes une team composée de divers profils, à la fois d’économistes et d’ingénieurs mais également ingénieurs, pour la plupart issus de l’UCLouvain, à avoir lancé Cortex Machina en 2020. Nous ne développons pas de jeux ou de software mais sommes spécialisés dans le hardware, plus précisément les casques BCI (brain-to-computer interface) permettant de capter, de détecter les “sentiments” de l’utilisateur grâce aux signaux émis par notre cerveau. Notre casque, qui s’adresse plutôt à un public B2B, interprète les signaux qu’émet notre cerveau pour piloter un équipement informatique, une interface, une fonctionnalité, pour adapter (quasi) automatiquement le scénario qui se déroule sous les yeux de l’utilisateur ou le type d’interaction, d’information qu’on lui propose.

AWEX : Vous êtes ici à la Mission économique princière qui a lieu au Japon, pourquoi ce pays est-il stratégique pour vous ?

JGD : C’est simple, le Japon est un très gros marché pour le gaming. C’est le troisième voir le deuxième pays qui dépense le plus dans les jeux vidéo. Ici on parle de centaines de millions de joueurs. Donc c’est vraiment un énorme marché et pour beaucoup d’entreprises comme la nôtre, c’est vraiment la porte d’entrée pour l’Asie. « Asfalia », le jeu que nous avons développé, pourrait potentiellement avoir sa place auprès des gamers japonais, et c’est pour cela que nous sommes ici : dans une phase exploratoire pour aller à la rencontre de la culture japonaise, un public potentiel. 

Cortex Machina : Nous développons tout sur le modèle 3D printing. L’avantage, c’est que l’utilisateur peut le downloader en ligne, et donc proposer des alternatives spécifiques aux attentes de chaque pays. C’est pourquoi nous sommes actuellement au Japon afin de trouver un partenaire sur place et identifier leurs besoins spécifiques pour ensuite proposer un modèle qui réponde à leurs attentes.  Pour ça la mission c’est top car nous disposons d’une structure impressionnante qui nous donne de la visibilité et nous appuie dans notre prospection. Nous avons d’ailleurs pu rencontrer Bandaï Namco et leur présenter notre prototype. Thanks les équipes de Wallonia Export !

AWEX: Comment se prépare-t-on à travailler avec des entreprises japonaises ? À sa culture business ?

JGD: C’est un business qui est très différent du business classique, et c’est à nous aussi d’apprendre comment ça fonctionne. Ici, le gaming c’est reconnu comme de l’art, mais derrière chaque projet il y a souvent une dimension business et entrepreneuriale très forte, dès le début. Chez nous l’aspect business est moins développé. On se contente encore trop de faire avancer un projet, de trouver les bonnes personnes, les bonnes aides puis de passer à l’étape suivante…  Mais c’est en train d’évoluer en Belgique, c’est positif. Nous avons d’ailleurs engagé il y a un an un nouveau collaborateur pour justement me permettre de me concentrer plus sur l’aspect business de nos projets. 

AWEX : Tiens et en parlant de cela, ça bouge comment dans le gaming wallon ?

JGD : Il y a vraiment une dynamique qui se crée depuis quelques années : le monde politique commence à comprendre qu’il y a des intérêts très fort dans le gaming et il n’a jamais été aussi loin dans le soutien au secteur du jeu vidéo qu’aujourd’hui. Une vraie une dynamique est en place.

CM : Le secteur du jeu vidéo est en pleine en croissance. Il y a de plus en plus de petits développeurs et les réseaux se structurent. On dénombre pas mal d’entreprises flamandes dans le gaming, mais en Wallonie, le secteur gagne en importance. C’est vraiment un secteur à suivre dans les prochaines années.

 

Propos recueillis par Ewan Leto

Le gaming belge en pleine expansion

 

En Belgique, le développement industriel du gaming est en croissance. En 2020, cette activité a généré un revenu annuel de 270 millions EUR et le nombre de studios de développement de jeux est passé de 65 en 2014 à 114 en 2020, dont 82 studios situés en Flandre, 13 à Bruxelles et 19 studios Wallonie (dont la grande majorité ont moins de 5 ans et compte moins de 10 employés). Si l’on ajoute les éditeurs et programmeurs belges, nous arrivons à un total de 563 entreprises employant plus de 3000 personnes pour un CA consolidé d’environ 353 millions d’EUR.

La taille modeste du gaming belge s'explique en partie par un plus faible accès aux financements privés et publics et une structuration du secteur plus récente. Le potentiel économique du jeu vidéo dans le pays et en Wallonie est considérable car la Région dispose d'un écosystème de studios de développement de jeux dynamiques, avec plusieurs poids lourds (Fishing Cactus, Appeal, Wild Bishop, Abrakam…) qui tirent le secteur vers le haut et un réservoir important de créatifs dont la qualité est reconnue internationalement.

Le pays comporte une série formations de qualité au Nord comme au Sud du pays (un tout nouveau master en jeux vidéo, à la Haute Ecole Albert Jacquard, à Namur vient même de voir le jour), et de nouvelles mesures mises en œuvre devraient permettre de favoriser l’émergence d’une industrie locale du gaming, capable de rivaliser avec ses voisins et prendre part à la croissance internationale du secteur. L’élargissement des programmes de financements nationaux et régionaux comme ceux de Wallimage qui vient de lancer en décembre 2021 un programme de financement en "prototypage et co-production" est un exemple. Ce coup de boost doit favoriser la professionnalisation des porteurs de projet et faciliter la création de nouveaux studios.

Actions 'gaming' 2023 avec Wallonia Export

Afin de soutenir le secteur wallon du 'gaming' dans son développement et son internationalisation (partenariats, investissements, prospection...), Wallonia Export proposera près de 40 actions à l'étranger en 2023.

Ces actions peuvent concerner le gaming (Gamescom, Nordic Games...) ou plus largement les secteurs du digital et du numérique (CES, Vivatech, Slush...). Salons, foires, conférences, missions multisectorielles... le format des actions auxquelles les entreprises et studios peuvent participer est varié et pensé selon les besoins de chacun.

Découvrez l'agenda international 2023

Un tax shelter ‘gaming’ en vigueur au 1er janvier 2023

 

Le tax shelter, c’est un système d’exonération fiscale pour les sociétés belges qui investissent une partie de leurs bénéfices imposables dans l’audiovisuel et/ou les arts de la scène. Ce système d’exonération fiscale devrait s’ouvrir prochainement à l’industrie du gaming.

Pour bénéficier du tax shelter, chaque projet de jeu devra prouver qu’il a une dimension culturelle, que ce soit par son caractère éducatif, en mettant en valeur, par exemple, le savoir-faire ou le patrimoine local. Le Centre du cinéma et de l’audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui agrée déjà les œuvres audiovisuelles et scéniques pouvant bénéficier du tax shelter, réalise un test culturel imposant, par exemple, que 50 % des salaires ou une part importante de la production doive être versés ou réalisée en Belgique. En clair, la production de jeux doit être l’activité principale de l’entreprise et représenter au moins 50% de ses revenus.

Le Tax shelter devrait être un bon coup de pouce pour le secteur et devrait permettre de financer des projets dont le budget total tourne autour des quatre millions d’euros (on est donc encore loin des blockbusters du secteur), soit les budgets qui correspondent globalement aux projets actuellement en développement en Belgique. Le pays devrait devenir plus compétitif et faciliter la multiplication de cocréations qui se font de plus en plus dans le secteur avec des studios belges.

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